Les rapports mortels entre un peintre et son modèleContempler son portrait accroché au mur, c'est sympathique, à moins qu'on y reconnaisse sa propre peau. Un artiste fou, adepte de la peinture au couteau, est à l'oeuvre pour extraire les sucs et la lumière si chère aux Impressionnistes. Deux étages à gravir et la toile prend vie, le temps que Karène H, la cinquantaine lumineuse et les yeux joliment bridés, vêtue d'un kimono rouge fourré d'astrakan, tienne la pose. . . Au fil des jours s'afficheront les visages des passants musardant dans le quartier des Brocantueurs où s'activent Marie-Antoinette, généreusement prostituée, et d'autres malfrats de petite envergure. Des têtes fraîchement coupées y trônent aux vitrines, entre deux chandeliers Napoléon III, tandis que Claude Monet et Marcel Proust conversent au sujet des saisons qui passent et de la neige qui tombe. Avec sa riche palette littéraire, Claude Soloy brosse le portrait obsessionnel d'un peintre en mal d'inspiration. Mortel ! EXTRAITMardi, 8 novembre. Il neige sur mon coeur comme il neige sur la ville, aurait pu écrire le poète. Son coeur, à elle, en rougit de plaisir, au suint tiède de l'épais manteau de fourrure acheté début octobre en prévision de la longue froidure hivernale annoncée; secondé par une paire de poumons performants qui n'ont connu que la fumée odorante des civets préparés par Gisèle, la gouvernante de toujours, il pompe l'air du temps de saison et s'imprègne de cette lumière si particulière que distillent les pluies de pixels cotonneux. . . A PROPOS DE L'AUTEURClaude Soloy est né en 1941, sous une pluie de bombes. Fils unique d'une corsetière et d'un aiguilleur SNCF, il aurait aimé être Tarzan mais la place était déjà occupée. Il décide alors de grandir, se retire dans sa caverne, convoque les poètes, les comédiens, les musiciens et les artistes de tous poils. . . et entreprend sa propre éducation.